mardi 19 mai 2009

Chronique : "L'Europe et nous" (3)

On entend souvent dire : « La Politique Agricole Commune (PAC) ne bénéficie qu’à quelques agriculteurs et fournit une production de médiocre qualité »

Un peu d’histoire
La politique agricole commune (PAC), dans les premiers temps, avait pour objectif de faire en sorte que l’Union ait assez à manger, dans les mauvaises années comme dans les bonnes. La PAC visait également à assurer un revenu constant aux agriculteurs en leur garantissant toujours un marché pour leurs produits, quitte à leur acheter et à entreposer les éventuels surplus. Au fil des ans, le coût de cette approche est devenu prohibitif en raison de la production excédentaire de «mers» de lait et de vin et de «montagnes» de boeuf et de beurre, que l’Union achetait et entreposait, et dont elle se débarrassait en partie, à ses propres frais. L’un des moyens par lesquels l’Union se débarrassait de ces surplus consistait à les exporter à des prix subventionnés afin de les vendre aux cours (moins élevés) du marché mondial. Nombre de grands pays exportateurs ont estimé que cette concurrence était déloyale et perturbait les échanges mondiaux.
Dans le but de tenir compte de ces pressions et de l’élargissement récent de l’Union en 2004, plusieurs réformes ont été mises en place. Les subventions à l’exportation sont en voie de réduction. La conséquence générale en est que les agriculteurs de l’Union dépendent plus du marché et sont davantage incités à mener leurs activités dans le respect de l’environnement. En outre, ils bénéficient désormais d’une plus grande liberté pour produire ce qu’ils veulent, car l’aide financière qu’ils reçoivent n’est plus liée à leur production mais au respect des normes en matière d’environnement et de santé et de bien-être animal, ainsi qu’à leurs besoins financiers propres.
À l’avenir, le budget de la PAC sera de plus en plus utilisé pour contribuer à pérenniser la vie rurale.

Ces grands principes de la PAC étant posés, où en est la politique française en matière environnementale par rapport à nos partenaires européens ?
Premier constat, c’est celui de l’utilisation des fongicides, herbicides et insecticides. La France est dans le peloton de tête avec 2,6 kg/ha soit 37% de plus que l’Allemagne qui est, certes à un moindre degré, un pays agricole important dans l’Union.
De ce premier constat impressionnant à réglementation européenne identique, on ne peut que s’interroger sur le bio.
Le bio représente 4% des surfaces agricoles dans l’Union avec une grande variété selon les Etats membres avec par ordre décroissant par exemple :
- l’Autriche vient en tête avec plus 10% des surfaces,
- l’Italie, la Finlande, la Grèce dans une fourchette de 6 à 8%,
- l’Allemagne et le Portugal entre 4 et 6%,
- l’Espagne et le Royaume uni entre 2 et 4%,
- et dans le wagon de queue, la France en compagnie des deux derniers entrants dans l’Union : la Bulgarie et la Roumanie.

La conclusion est simple : à réglementation européenne identique, la France est en tête pour le chimique, est en queue pour le biologique (toutes références chiffrées issues d’Eurostat).

On ne peut terminer cette chronique sans une mise en perspective et une recherche de politique plus équilibrée qu’on laisse à Odette Herviaux, Sénatrice et Vice- présidente de la région Bretagne, dans une récente interview au Rappel du Morbihan.


LRM : Alors que la PAC a été conçue pour alimenter un continent meurtri par la guerre, quels objectifs devra-t-elle poursuivre ?
O.H. : Il est évident que l’agriculture a profondément changé, mais l’enjeu alimentaire est toujours une réalité. D’ici à 2050, nous devrons être capables de quasiment doubler la production alimentaire mondiale tout en faisant face à de multiples menaces écologiques (climat, eau, biodiversité). Pour répondre à ces défis, il faudra donc développer une “agriculture éco-productive”, qui assurera aux 500 millions d’Européens une alimentation suffisante, durable, de qualité et à prix abordables pour tous.

LRM : Quels doivent être alors les grands axes de la PAC d’ici 2013 ?
O.H. : Il faut promouvoir une ambitieuse politique publique agricole permettant de réguler les à-coups qui favorisent la spéculation. En juin dernier, la région Bretagne a formulé quatorze propositions articulées autour de quatre principes majeurs : une alimentation de qualité grâce à une Politique Alimentaire Commune avec un budget maintenu dans un budget global à 1.18 % du PIB européen, une OMC qui ne remet pas en cause les instruments de gestion de marché, une régulation européenne et une régionalisation des aides directes aux agriculteurs. L’intervention publique pour réguler les marchés agricoles et alimentaires est une idée résolument moderne.