Réformer les retraites selon le calendrier suivant : concertation avec les partenaires sociaux, passage en conseil des ministres en juillet et projet de loi en septembre. Une fois de plus, Nicolas Sarkozy confond vitesse et précipitation avec pour conséquence très probable de ne pas être à la hauteur des enjeux.
Trois remarques sur la méthode d’abord :
- il s’agit non pas d’une négociation, mais d’une concertation, différence de taille car dans le premier cas « je recherche les voies et moyens pour parvenir à un consensus » et dans le second cas « j’écoute et je décide ». Il y a bien là tous les relents de la veille droite colbertiste selon laquelle on ne négocie pas avec l’État,
- il n’est envisagé aucune confrontation entre partenaires sociaux mais seulement des rencontres bilatérales entre le ministre et chacun d’entre eux. Cette stratégie de la division relève d’un aveu de faiblesse qui trahit l’incapacité de ce gouvernement à gérer les difficultés et relever les défis auxquels est confrontée notre société.
- le gouvernement entend boucler ce dossier en six mois, là où d’autres pays européens ont mis à profit des années de négociations pour parvenir à des formules qui font référence (la Suède si souvent prise en exemple). Mais le futur candidat Sarkozy veut être libéré de cette affaire pour se consacrer dès 2011 à la seule chose qui importe pour lui : sa réélection. Pari fort risqué en cas d’extrême mécontentement des Français...
Sur le fond ensuite :
- la première chose qui frappe dans les annonces du gouvernement c’est leur caractère extrêmement simpliste et réducteur : l’allongement de la durée de cotisation et le report de l’âge légal de la retraite ; vient s’y ajouter une hypothétique prise en compte de la pénibilité pour atténuer le côté couperet des deux autres mesures,
- le second élément, c’est le rejet purement idéologique de toute source nouvelle de financement : les cotisations parce que le Medef n’en veut pas, l’impôt par dogmatisme au nom notamment du bouclier fiscal, cette mesure inique qui ne profite qu’aux plus fortunés de nos citoyens.
Ces deux points constituent le « projet » gouvernemental et traduisent l’approche exclusivement comptable du dossier. Cette même approche qui a déjà lézardé notre pacte social et gravement fragilisé les plus vulnérables d’entre nous (santé, justice, services publics de proximité,…).
Pourtant, le dossier retraite est sans doute celui qui offre la plus grande palette de solutions ou, plus précisément, la plus formidable combinaison de solutions. En effet, moins on retient de solutions, plus elles sont brutales avec le risque supplémentaire d’être injustes.
Sur le financement, nous ne sommes plus au lendemain de la Seconde Guerre mondiale quand furent créés les régimes de retraite dans une économie fondamentalement différente de celle que nous connaissons. Rester dans un schéma où le financement provient exclusivement des cotisations sociales, donc du travail, condamne toute réforme à brève échéance car la part des profits réservée à l’actionnaire prime désormais sur celle dédiée au salarié, donc sur celle destinée au financement de la retraite. Là encore de nombreuses opportunités existent : prise en compte de la valeur ajoutée des entreprises, stock options taxés (car constituant des salaires déguisés), prélèvement sur les revenus du capital (car détournant les fonds destinés à l’investissement donc à l’emploi et privant les salariés d’une juste rémunération génératrice de cotisations). Pour ces derniers, il convient par ailleurs de ne pas oublier les primes diverses et variées qui échappent actuellement à l’assiette de cotisations.
Nous ne pouvons donc que partager la méfiance des syndicats à l’égard du gouvernement. Il ne saurait en effet y avoir de réforme viable et équitable sans l’adoption de mesures équilibrées entre nouveaux financements d’une part et critères d’âge et durée de cotisation d’autre part. C’est la condition indispensable de la réussite. Pour que la solidarité ne résonne plus comme un slogan dépassé, mais organise réellement une société juste du bien vivre ensemble.